Beji Caïd Essebsi : Un papy fringant qui fait de la résistance
Par Taïeb Moalla
En vacances actuellement en Tunisie, l’auteur est journaliste au Journal de Québec. Il est à l’origine du défunt blogue Chakchouka tunisienne, logé par Bakchich. Il y signait Mohamed Ettaieb.
« Même Hamma Hammami semblait content ».
C’est la boutade que de nombreux Tunisiens lançaient samedi, au lendemain d’un exercice de haute voltige prodigué par le fringant-papy, Beji Caïd Essebsi, 84 ans au compteur. Le tout nouveau (façon de parler!) premier ministre tunisien aura donc réussi le tour de force de satisfaire (partiellement) l’indécrottable contestataire qu’est le leader communiste Hammami…
Vendredi, dans la pure tradition bourguibienne, Caïd Essebsi a prononcé un discours d’environ une heure en alternant les mises en garde, les conseils amicaux, les menaces à peine voilées et les boutades. Son numéro d’équilibriste - digne du grand commis d’Etat qu’il est - s’adressait autant à Monsieur-Madame-tout-le-monde qu’aux acteurs d’une scène politique totalement chamboulée depuis la Révolution de la dignité (pitié, arrêtons d’employer ce foutu terme de Révolution du Jasmin!)
Truffant son exposé de versets coraniques et rappelant que la religion de l’Etat est l’Islam, Beji Caïd Essebsi a du même coup envoyé des gages aux islamistes. Affirmant avoir beaucoup de respect pour le leader islamiste Rached Ghannouchi, récemment rentré de 20 années d’exil londonien, le premier ministre ne s’est pas empêché de lui envoyer une pique. « Je veux bien admettre que j’appartiens aux archives. Mais c’est aussi son cas. Disons simplement qu’on n’a pas été faits dans le même moule », a-t-il blagué au grand plaisir des téléspectateurs.
L’autre pique, plus sévère encore, a été adressée aux deux opposants Nejib Chebbi et Ahmed Brahim, démissionnaires du gouvernement. Caïd Essebsi a répété que chaque membre de son cabinet avait évidemment le droit de claquer la porte. Ceux qui choisissaient cependant de rester en place devaient s’engager à travailler dans l’intérêt du pays d’ici le 24 juillet, jour de l’élection d’une assemble nationale constituante, a-t-il suggéré.
Traduction pour les non-initiés? Les deux opposants ont surtout abandonné leurs portefeuilles parce qu’ils refusaient de s’engager à ne pas se présenter aux futures élections. Ils auraient ainsi fait passer leurs intérêts partisans devant ceux du pays. Ce sous-entendu de Caïd Essebsi est passablement tiré par les cheveux (Chebbi et Brahim ont après tout le droit de nourrir des ambitions politiques), mais le premier ministre a probablement marqué des points avec cet argument imparable.
Enfin – et c’est probablement l’élément le plus important -, le premier ministre par intérim a fait savoir que les investigations des différentes commissions d’enquête n’épargneront personne. « Ce paragraphe du discours a été spécifiquement écrit pour Abdessalem Jrad », jure un habitué des méandres de la politique tunisienne. Jrad, patron de la toute puissante centrale syndicale (UGTT) et longtemps proche de Ben Ali, devra se tenir tranquille dans les prochains jours, chuchote-t-on à Tunis.
Parfaite antithèse du faible technocrate Mohamed Ghannouchi, le vieux de la vieille Beji Caïd Essebsi semble avoir repris les choses en main le temps d’un discours. Du moins pour le moment…
Par Taïeb Moalla
En vacances actuellement en Tunisie, l’auteur est journaliste au Journal de Québec. Il est à l’origine du défunt blogue Chakchouka tunisienne, logé par Bakchich. Il y signait Mohamed Ettaieb.
« Même Hamma Hammami semblait content ».
C’est la boutade que de nombreux Tunisiens lançaient samedi, au lendemain d’un exercice de haute voltige prodigué par le fringant-papy, Beji Caïd Essebsi, 84 ans au compteur. Le tout nouveau (façon de parler!) premier ministre tunisien aura donc réussi le tour de force de satisfaire (partiellement) l’indécrottable contestataire qu’est le leader communiste Hammami…
Vendredi, dans la pure tradition bourguibienne, Caïd Essebsi a prononcé un discours d’environ une heure en alternant les mises en garde, les conseils amicaux, les menaces à peine voilées et les boutades. Son numéro d’équilibriste - digne du grand commis d’Etat qu’il est - s’adressait autant à Monsieur-Madame-tout-le-monde qu’aux acteurs d’une scène politique totalement chamboulée depuis la Révolution de la dignité (pitié, arrêtons d’employer ce foutu terme de Révolution du Jasmin!)
Truffant son exposé de versets coraniques et rappelant que la religion de l’Etat est l’Islam, Beji Caïd Essebsi a du même coup envoyé des gages aux islamistes. Affirmant avoir beaucoup de respect pour le leader islamiste Rached Ghannouchi, récemment rentré de 20 années d’exil londonien, le premier ministre ne s’est pas empêché de lui envoyer une pique. « Je veux bien admettre que j’appartiens aux archives. Mais c’est aussi son cas. Disons simplement qu’on n’a pas été faits dans le même moule », a-t-il blagué au grand plaisir des téléspectateurs.
L’autre pique, plus sévère encore, a été adressée aux deux opposants Nejib Chebbi et Ahmed Brahim, démissionnaires du gouvernement. Caïd Essebsi a répété que chaque membre de son cabinet avait évidemment le droit de claquer la porte. Ceux qui choisissaient cependant de rester en place devaient s’engager à travailler dans l’intérêt du pays d’ici le 24 juillet, jour de l’élection d’une assemble nationale constituante, a-t-il suggéré.
Traduction pour les non-initiés? Les deux opposants ont surtout abandonné leurs portefeuilles parce qu’ils refusaient de s’engager à ne pas se présenter aux futures élections. Ils auraient ainsi fait passer leurs intérêts partisans devant ceux du pays. Ce sous-entendu de Caïd Essebsi est passablement tiré par les cheveux (Chebbi et Brahim ont après tout le droit de nourrir des ambitions politiques), mais le premier ministre a probablement marqué des points avec cet argument imparable.
Enfin – et c’est probablement l’élément le plus important -, le premier ministre par intérim a fait savoir que les investigations des différentes commissions d’enquête n’épargneront personne. « Ce paragraphe du discours a été spécifiquement écrit pour Abdessalem Jrad », jure un habitué des méandres de la politique tunisienne. Jrad, patron de la toute puissante centrale syndicale (UGTT) et longtemps proche de Ben Ali, devra se tenir tranquille dans les prochains jours, chuchote-t-on à Tunis.
Parfaite antithèse du faible technocrate Mohamed Ghannouchi, le vieux de la vieille Beji Caïd Essebsi semble avoir repris les choses en main le temps d’un discours. Du moins pour le moment…