France-Tunisie: La difficile chasse aux avoirs de Ben Ali & Co
Récupérer l’argent et les biens que Ben Ali et les siens ont à l’étranger est l’une des priorités du gouvernement. Mais l’exercice ne sera pas facile. Explications de Maud Perdriel Vaissière, déléguée générale de Sherpa, l’une des trois associations françaises à s’être lancées dans cette chasse.
WMC: Un mois après la chute de Ben Ali et trois semaines après le lancement de diverses procédures, où en est-on dans la chasse aux avoirs du clan Ben Ali et Trabelsi?
Maud Perdriel Vaissière: Très peu de temps après que Sherpa, Transparence International et la Commission Arabe des Droits Humains aient déposé plainte, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris. Un avion stationné au Bourget a déjà été saisi, mais on ignore si d’autres saisies ont été effectuées. En tant que plaignants, nous devrions recevoir dans les prochaines semaines copie des résultats de l’enquête de police.
D’autres procédures ayant le même objectif ont également été lancées en France -par Tracfin- et dans d’autres pays européens. Y a-t-il coordination entre elles?
Tracfin, la cellule anti-blanchiment en France, a lancé une mesure parallèle tout à fait favorable pour permettre aux choses d’avancer, en l’occurrence une vigilance renforcée concernant les transactions portant sur les avoirs ou les biens immobiliers pouvant appartenir à des proches de M. Ben Ali.
WMC: Un mois après la chute de Ben Ali et trois semaines après le lancement de diverses procédures, où en est-on dans la chasse aux avoirs du clan Ben Ali et Trabelsi?
Maud Perdriel Vaissière: Très peu de temps après que Sherpa, Transparence International et la Commission Arabe des Droits Humains aient déposé plainte, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris. Un avion stationné au Bourget a déjà été saisi, mais on ignore si d’autres saisies ont été effectuées. En tant que plaignants, nous devrions recevoir dans les prochaines semaines copie des résultats de l’enquête de police.
D’autres procédures ayant le même objectif ont également été lancées en France -par Tracfin- et dans d’autres pays européens. Y a-t-il coordination entre elles?
Tracfin, la cellule anti-blanchiment en France, a lancé une mesure parallèle tout à fait favorable pour permettre aux choses d’avancer, en l’occurrence une vigilance renforcée concernant les transactions portant sur les avoirs ou les biens immobiliers pouvant appartenir à des proches de M. Ben Ali.
Ce serait bien que les différents parquets européens travaillent ensemble pour optimiser les chances de recouvrer ces avoirs illicites où qu’ils se trouvent, identifier les personnes physiques ou morales qui peuvent servir de prête-nom à ces différentes acquisitions. Mais on ignore si la coopération judiciaire est réellement effective entre ces différents Etats.
Y a-t-il collaboration sur ce dossier avec le gouvernement tunisien?
Nous n’avons pas été sollicités par le gouvernement tunisien. Nous avons initié la plainte avant que les autorités tunisiennes se mettent en place et prennent l’initiative de déposer la leur en Tunisie. Donc, on n’a pas de contact privilégié avec le gouvernement, mais nous nous tenons à sa disposition s’il veut notre concours ou des informations.
Votre avocat, Me William Bourdon, s’est récemment rendu en Tunisie. Pourquoi?
Il a essentiellement rencontré des personnalités de la société civile qui aimeraient créer une organisation de lutte contre la corruption en Tunisie.
A-t-on aujourd’hui une idée plus précise de ce que le clan Ben Ali possède en France?
Pour différentes raisons, il est aujourd’hui extrêmement difficile d’en apprécier l’importance. D’abord, parce que ces avoirs peuvent prendre différentes formes: dépôts bancaires, prises de participation, biens immobiliers, voitures, etc. Ensuite, parce qu’il faudrait déterminer la part illicite et celle qui ne l’est pas. Enfin, le traçage des biens est compliqué, parce que certains biens n’ont pas été achetés aux noms propres des personnes proches, mais en faisant appel à des prête-noms.
La justice est en train de faire son travail, espérons qu’elle le fera de manière optimale. On aura une meilleure idée dans les prochains semaines et mois.
Les biens acquis de l’argent provenant de commissions sont-ils considérés comme illicites?
Bien sûr. Investir des commissions illégales ce serait du blanchiment.
Craignez-vous que de l’argent ait pu être mis à l’abri dans les jours suivants le renversement du régime de Ben Ali et avant le déclenchement des procédures visant à leur gel?
Ce n’est malheureusement pas impossible. En tout cas, pour l’argent placé sur des comptes bancaires, les choses peuvent aller très vite puisqu’il suffit parfois d’un clic pour transférer des sommes d’un compte en France sur un autre domicilié dans une banque ayant son siège dans un paradis fiscal. Autant dire qu’il sera très difficile de remettre la main dessus. Mais pour ce qui est des avoirs immobiliers, cela prend plus de temps car on ne peut pas aliéner un bien du jour au lendemain.
A la lumière des cas précédents, quelles chances la Tunisie vous semble-t-elle avoir de récupérer les avoirs et biens de Ben Ali et de ses proches?
Malheureusement, il n’y a pas beaucoup de précédents en matière de restitution des avoirs illicites. Le plus bel exemple est celui du Nigeria qui, après la mort de Sani Abacha, a pu récupérer 3 milliards de dollars. Pour la Tunisie, je suis optimiste et je ne pense pas que cela soit naïf de dire cela. Car, le problème dans ce genre d’opérations réside dans le fait qu’il est compliqué que les Etats –l’Etat victime et l’Etat receleur- soient de bonne volonté.
Dans le présent cas, les choses se présentent bien: la Tunisie a déjà manifesté sa volonté de recouvrer les avoirs, et les autres pays, dont la France et la Suisse, ont envie de montrer qu’ils sont prêts à collaborer avec le gouvernement tunisien. Je ne pense donc pas qu’on aura des difficultés.
L’argent éventuellement placé dans les paradis fiscaux est-il absolument irrécupérable?
Il est plus difficilement récupérable. Les représentants des Etats du G20 ont manifesté leur volonté de lutter plus efficacement contre les paradis fiscaux. Espérons que cette affaire pourra être l’occasion de mettre en avant le scandale que constituent les places de cette nature en matière de lutte contre la corruption.