De Paris, on ne se rend jamais bien compte que la Tunisie possède des frontières avec la Libye et l'Algérie. Ce petit pas de onze millions d'habitants, beaucoup moins armé que ses voisins, a toujours la crainte d'être manipulé, voire envahi, par ses deux voisins qui ne lui veulent pas que du bien.
L'Algérie d'abord. Bouteflika qui n'est pas un grand démocrate n'a cessé de dire du bien du régime de Ben Ali, sauf ces derniers mois. Après tout, des centaines d'entreprises tunisiennes s'étaient installées en Algérie, de peur de se voir pillées par les familles règnantes à Tunis. Une aubaine.
Il est clair que Boutef ne voit pas d'un bon oeil la Révolution tunisienne actuelle. Cela a donné des idées à certains quand le parti de Saadi, le RCD, demande son départ lors d'une manifestation. Les jours qui ont suivi le départ de Ben Ali, le pouvoir algérien s'inquiétait; des troupes algériennes se massaient à la frontière Au cas où...
Bonne nouvelle, le nouveau Premier ministre, excellent ministre des Affaires Etrangères de Bourguiba dans les années 80, est au mieux avec les autorités algériennes. Il peut calmer le jeu avec Boutegflika et le rassurer.
La Libye ensuite...Depuis le début de la Révolution tunisienne, beaucoup étaient inquiets du voisin libyen Le séjour que Leila a effectué à Tripoli chez son ami Khadafi a semé la panique. Le sanguinaire colonel allait chercher à soutenir la Régente dans ses tentatives de déstabilisation. Cette peur semblait excessive il y a encore un mois à nous français qui prenions Khadafi plus pour un allumé qu'un MachiaveL
Compte tenu de sa tragique fin de rêgne, les Tunisiens avaient raison de s'inquiéter. reste que le retour massif de dizaines de tunisiens travaillant en Libye n'est pas un atout pour le redécollage économique de la Tunisie, la priorité numéro un.
Sans touristes et sans les économies des expatriés, dans un pays où le grand syndicat l'UGTT, travaillé par des courants contraires, fait souvent désormais dans la surenchère salariale, la situation sociale est très fragile. Il fallait voir, à quelques pas de la désormais célèbre avenue Bourguiba, le patron du charmant restaurant "l'Orient", entre deux jets de lacrymo ce week end, se lamenter sur l'écroulement de ses recettes. Avec des proches, il mesurait l'encablure de sa porte pour poser rapidement des grilles. "Les désordres, disait il, risquent bien de durer. Comment je fais vivre mes 15 salariés?".
Dommage que feu Raymond Barre, grand économiste et ex Premier ministre français, n'ait plus ses habitudes à "l'Orient", comme ce fut le cas longtemps lorsqu'il enseignait à Tunis. Ses conseils toujours pertinents et ses leçons d'économie politique, dont on se souvient, auraient été précieux...et gratuits, n'est ce pas monsieur Karoui.